Patrimoine en danger : le moulin de Bar-sur-Seine.

Publié le par Patrimoine en danger

29 juin 2007 par Jacky Provence

 

Le moulin de Bar-sur-Seine est l’un des monuments incontournables de la petite ville. Que l’on vienne de Troyes, de Dijon ou de Vendeuvre, le moulin s’impose à notre vue, et quelle vue ! A Bar-sur-Seine, c’est un lieu commun que de le qualifier de « verrue » de la ville ; c’est dire que certains préféreraient le voir disparaître, tel une tumeur bénigne de l’épiderme défigurant le plus charmant des visages. Propriété privée, le problème de sa restauration est d’autant plus complexe qu’elle nécessiterait des sommes colossales que ne peut supporter le propriétaire actuel sans l’amortissement d’un tel investissement.

 

La présence de moulins à cet emplacement est attestée dès le XIe siècle. L’actuel moulin et l’usine hydroélectrique présentent l’intérêt d’être les témoins de deux Révolutions industrielles qui bouleversèrent la vie quotidienne d’alors.



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Le moulin

 

Le moulin date des années 1860. C’est l’un des derniers témoins de ces grands moulins de pan de bois que l’on pouvait trouver le long de la Seine et aujourd’hui disparus, la disparition la plus récente étant sans doute celle du moulin de Verrières. Il est l’expression de cette Révolution Industrielle venue, au cours du XIXe siècle et en particulier sous le IIe Empire, moderniser le monde agricole. C’est une époque où le monde rural entrait dans une période de prospérité, celle qui laissera la nostalgie d’un « bon vieux temps », celle des costumes « folkloriques » dans lesquels on affichait son aisance. Ce moulin manifeste la concentration de la meunerie en de grandes unités de production, faisant disparaître peu à peu de très nombreux petits moulins devenus non rentables. Parallèlement, la qualité de la farine devait progresser. Le grain subissait de nombreuses opérations de triage et de nettoyage, avant d’être broyé, opérations que ne pouvaient se permettre les petits moulins. Une corde remontait les sacs de grains au dernier étage. Puis, de trémie en trémie, les grains subissaient diverses opérations au fur et à mesure des étages qu’ils descendaient : tamis pour éliminer paille et mottes ; cylindres d’épierrage ; trieurs à graines longues (avoine, orge, seigle) ; trieurs à graines rondes (vesce, nielle, gesse) ; épointeuse ; brosses ; tarare…


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L’un des précédents propriétaires avait commencé une rénovation du bâtiment et pendant longtemps un grand échafaudage se hissait le long de la façade. En refaisant la toiture, il avait fait disparaître la rangée de lucarnes du côté du pont. Les travaux ont alors été stoppés et depuis, plus rien n’a été entrepris. Il y a bien quelques projets qui ont vu le jour et dorment encore dans quelques cartons, comme celui de transformer cette partie du moulin en hôtel. Mais les investissements sont très lourds et les risques de ne pas rentabiliser importants.


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L’usine hydroélectrique

 

La seconde partie de l’ensemble des bâtiments est une centrale hydroélectrique. Les travaux débutèrent en 1923. La production d’électricité commença en novembre 1929. C’est sans doute le premier bâtiment du sud du département à utiliser une structure en béton armé (charpente, piliers, terrasse). Le bâtiment abritait quatre turbines. Elles alimentaient deux alternateurs de 220 et 125 kilowatts-heure. La centrale était couplée avec une autre édifiée à Fouchères, qu’elle commandait à distance. Elles alimentaient en électricité 14 communes de la vallée de la Seine entre Bar-sur-Seine et Bréviandes.


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Le constructeur était un mauricien, Assan Dina. Il était né à Pamplemousses dans l’île Maurice, le 12 avril 1871. Son grand père, maharaja de Lahore (actuel Pakistan), épousa la comtesse de Germonville. Son père Nourdine, ingénieur du gouvernement des Indes, épousa une française Charlotte Bosselet. Assan Dina devint comme son père ingénieur. Dés ses études terminées, il voyagea : Algérie, Afrique du Sud, Ouganda où il étudie le lac Victoria Nianza, Madagascar et surtout la Chine et l’Himalaya. Il savait le chinois couramment. Il étudia des projets de routes et de lignes ferroviaires, en particulier en Mandchourie. C’était un scientifique qui, grâce aux profits qu’il comptait tirer des usines hydroélectriques installées en Savoie et dans l’Aube, devait édifier l’Observatoire de Haute-Provence, destiné à faire rattraper à la France son retard dans le domaine de l’astrophysique.

Le propriétaire actuel a mis de toutes nouvelles turbines et a relancé la production d’électricité. Reste que le bâtiment mériterait une rénovation. La structure en béton armé s’est beaucoup dégradée à certains endroits, en particulier au niveau de la corniche.

Des deux témoins de ces Révolutions industrielles, le plus ancien et le plus fragilisé, du fait de son matériau exposé aux intempéries, est très menacé. Mais son sauvetage nécessiterait de gros moyens financiers que le propriétaire ne pourrait seul engager. Sans un sauvetage qui assurerait au moulin une activité rentable, le moulin serait voué à subir le même sort que bon nombre de ses semblables.

Publié dans Moulins

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